des étudiants dans une salle de classe connectée
Uncategorized

Comment les écoles de commerce françaises intègrent l’IA dans la formation des managers ?

Depuis quelques mois, les annonces par communiqués de presse des Grandes Écoles de commerce françaises se succèdent. Partenariats stratégiques, déploiements massifs de licences, investissements chiffrés en millions d’euros : l’intelligence artificielle générative s’impose comme le nouveau Graal de l’enseignement supérieur en management. Mais derrière ces nombreuses annonces, quelle réalité se dessine ? Décryptage d’une transformation en cours.

 

La grande course aux partenariats : OpenAI vs Mistral AI

 

L’examen des initiatives récentes révèle une fracture dans les choix technologiques des écoles françaises. D’un côté, Clermont School of Business et ESCP Business School ont jeté leur dévolu sur ChatGPT Edu d’OpenAI. De l’autre, l’ESSEC, NEOMA et emlyon business school ont privilégié Mistral AI, la pépite française de l’IA générative.

Cette dichotomie ne relève pas du hasard. Elle cristallise deux visions de la stratégie numérique dans l’enseignement supérieur. Les partisans d’OpenAI misent sur la maturité technologique et l’écosystème le plus développé au monde. « L’adoption réfléchie de l’IA par ESCP constitue une étude de cas unique pour d’autres institutions », souligne Leah Belsky, General Manager of Education chez OpenAI, validant ainsi le choix de l’école parisienne.

À l’inverse, les défenseurs de Mistral AI brandissent l’étendard de la souveraineté numérique européenne. « À l’heure des enjeux croissants autour de la souveraineté du numérique, nous faisons le choix du plus européen des acteurs mondiaux de l’IA générative », revendique Delphine Manceau, Directrice générale de NEOMA. Un positionnement qui résonne avec les préoccupations géopolitiques actuelles. 

 

Écoles de commerce et IA : des chiffres qui impressionnent

 

Les statistiques avancées par les écoles forcent le respect : 10 000 licences déployées à l’ESCP, 1 400 heures de formation dispensées à Clermont, 14 millions d’euros d’investissement annuel chez emlyon (soit 10% de l’activité de l’école d’après leurs informations). Ces montants témoignent d’un engagement financier considérable, mais révèlent-ils pour autant une transformation pédagogique profonde ?

L’analyse des cas d’usage concrets apporte des éclairages. À l’ESCP, le professeur Vitor Lima imagine des « jeux de rôle immersifs propulsés par l’IA, dans un univers dystopique où les étudiants interagissent avec un personnage de leader visionnaire généré par GPT ». À Clermont, l’école développe « une bibliothèque de GPTs personnalisés, centralisée au sein d’un store interne » incluant des outils RH de génération de fiches de poste ou un assistant carrière.

Ces initiatives témoignent d’une créativité pédagogique certaine, mais soulèvent aussi des questions sur leur impact réel. Entre l’expérimentation et la révolution méthodologique, la frontière reste parfois ténue. Marc Gonnet, professeur affilié à Clermont School of Business, livre une formule éclairante : « Former à l’IA, c’est aussi rappeler que le plus grand processeur reste le cerveau humain, nous y branchons simplement un catalyseur pour accélérer la créativité, exercer l’esprit critique et affûter le discernement. »

 

Le défi de la formation à l’IA des managers de demain

 

Au-delà des effets d’annonce, la question centrale demeure : comment former efficacement les futurs managers à l’ère de l’intelligence artificielle ? Les écoles de commerce semblent avoir identifié trois axes majeurs que nous vous détaillons. 

Premier axe : la maîtrise technique. Il ne s’agit plus seulement d’apprendre à utiliser l’IA, mais de comprendre ses logiques, ses biais, ses limites. À Clermont SB, 40% des étudiants et 65% du personnel ont déjà été formés aux « usages avancés du prompting, à la créativité augmentée, aux enjeux d’éthique et de pensée critique ». L’objectif affiché : atteindre 100% d’étudiants formés à l’IA d’ici 2026.

Deuxième axe : l’intégration organisationnelle. Les écoles de commerce expérimentent l’IA comme levier d’efficacité opérationnelle. Akram Boudiar, chargé des expériences professionnelles à l’ESCP, conçoit ainsi un GPT personnalisé pour améliorer le traitement des demandes adressées au service Carrières. « Il ne s’agit pas seulement d’automatiser, mais de proposer un accompagnement plus clair, réactif et rassurant », précise-t-il.

Troisième axe : la réflexion éthique et stratégique. Toutes les écoles de commerce insistent sur cette dimension, conscientes que la technologie sans cadre moral peut dériver. L’ESSEC place ainsi « l’éthique, l’inclusion et la sobriété numérique au cœur de sa stratégie », tandis qu’emlyon « accorde une importance particulière aux conséquences anthropologiques de l’IA ».

 

Quelles zones grises dans l’adoption de l’IA en école de commerce ?

 

Si les partenariats brillent par leur optimisme, ils laissent dans l’ombre les résistances et difficultés inhérentes à toute transformation de cette ampleur. Comment les enseignants traditionnels accueillent-ils ces bouleversements pédagogiques ? Quelle formation reçoivent-ils pour s’adapter ? Les étudiants développent-ils réellement leur esprit critique face à l’IA ou deviennent-ils dépendants de ces outils ? Le témoignage de Jiao Liu, étudiante à l’ESCP, offre un aperçu intéressant : « Je suis passée de l’illettrisme numérique à une collaboration confiante avec l’IA. » Cette évolution positive masque-t-elle des inégalités entre étudiants selon leur appétence technologique initiale ?

Par ailleurs, la question de l’évaluation reste très peu abordée. Comment évaluer des compétences augmentées par l’IA ? Comment distinguer la valeur ajoutée de l’étudiant de celle de l’algorithme ? Ces interrogations fondamentales peinent à trouver des réponses.

 

Vers une redéfinition du management à l’heure de l’intelligence artificielle ?

 

L’intégration de l’IA dans les écoles de commerce ne constitue pas qu’un enjeu technologique ou pédagogique. Elle questionne la nature même du management de demain. Comme le souligne Francesco Rattalino, Directeur Général-Adjoint d’ESCP : « Nos premiers pilotes démontrent que l’IA générative, encadrée par une pédagogie exigeante, peut renforcer la pensée critique, le discernement et la créativité. » Cette vision optimiste mérite d’être confrontée aux défis concrets. Les futurs managers sauront-ils prendre des décisions complexes sans s’appuyer sur l’IA ? Développeront-ils encore leur intuition, leur capacité d’improvisation, leur intelligence émotionnelle ? Ou au contraire, l’IA leur permettra-t-elle d’accéder à des niveaux de performance et de créativité inédits ?

Les réponses à ces questions se dessineront dans les prochaines années, au fil des expérimentations en cours. Une certitude demeure : les écoles de commerce françaises ont pris le train de l’IA en marche. Reste à savoir si elles sauront le conduire vers une destination qui serve réellement leurs étudiants et la société dans son ensemble. L’enjeu dépasse largement le cadre des business schools. Il touche à la formation des élites économiques françaises et, par extension, à l’avenir de nos entreprises et de notre compétitivité. Entre promesses technologiques et réalités pédagogiques, entre souveraineté numérique et efficacité opérationnelle, ces établissements naviguent dans un environnement délicat où chaque choix engage l’avenir. La révolution IA dans l’enseignement supérieur ne fait que commencer. Espérons qu’elle saura conjuguer innovation technologique et exigence intellectuelle, au service d’une formation managériale à la hauteur des défis contemporains.

REÇOIS GRATUITEMENT NOTRE GUIDE AST

Tu es candidat(e) aux concours AST et tu souhaites intégrer une école de commerce via les admissions parallèles ? Choix des écoles, rédaction du CV, de la lettre de motivation, préparation aux oraux… Découvre tout ce qu’il faut savoir sur cette voie d’accès aux Grandes Écoles de commerce avec notre guide 100% gratuit !